INTERVIEW – Jean-Michel Lecerf est chef du service nutrition à l’Institut Pasteur de Lille. Il a coécrit une note de synthèse sur le sujet pour le Fonds français pour l’alimentation et la santé.
Les députés débattent lundi de la «taxe Nutella», un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale visant à augmenter la fiscalité sur l’huile de palme de 300% pour des raisons de santé publique. Le professeur Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition à l’Institut Pasteur de Lille, revient sur la controverse autour de cette matière grasse souvent diabolisée.
LE FIGARO. – Comprenez-vous les attaques qui sont faites contre l’huile de palme?
Jean-Michel LECERF. – Sur le plan écologique, je ne me prononcerai pas, mais faire de cette huile un poison n’est pas justifié. C’est un produit qui a des qualités. Elle est notamment utilisée par les industriels parce qu’elle a une bonne résistance à la cuisson et qu’elle est solide à température ambiante. Elle a ainsi permis de remplacer les graisses végétales partiellement hydrogénées qui ont des effets délétères avérés sur la production de cholestérol en favorisant la formation du mauvais (LDL) au détriment du bon (HDL). Elle contient aussi des tocotriénols, une sorte de vitamine E, et des caroténoïdes, même si elle perd une grande partie de ces molécules après raffinage.
L’huile de palme n’aurait aucun défaut?
Il n’y a évidemment pas de graisse miracle. L’huile de palme contient environ 50% d’acides gras saturés. Ces molécules favorisent la formation du bon et du mauvais cholestérol et on sait que leur consommation excessive est mauvaise pour la santé. Les huiles de tournesol ou de colza en contiennent beaucoup moins (environ 10%). Mais le beurre de cacao en contient autant et le beurre traditionnel un peu plus (65%). Je ne suis ni un partisan de la palme ni un adversaire du beurre – c’est un produit qui a des qualités nutritionnelles intéressantes – mais cela me paraît important de mettre les choses en perspective.
Les Français consomment-ils beaucoup d’huile de palme?
La consommation journalière moyenne est estimée entre 3 et 4 grammes. L’huile de palme représente donc 1,5 à 2 g des 30 g d’acides gras saturés que nous consommons chaque jour, soit 5% environ. Environ 98% de cette consommation se fait via des produits industriels tels que les chips, les viennoiseries, les gâteaux, etc., autant d’aliments qu’il faut de toute façon consommer avec modération dans le cadre d’une alimentation équilibrée. Je ne pense pas qu’il faille dédouaner les consommateurs de leur responsabilité individuelle. Les industriels doivent eux appliquer le principe de subsidiarité et n’utiliser l’huile de palme que lorsqu’il s’agit du meilleur choix à faire. Il vaut par exemple mieux utiliser de l’huile de colza dans un bain de friture industriel. Pour faire une pâte feuilletée, en revanche, l’huile de palme est probablement le meilleur compromis.